Les enjeux économiques et humains de

la santé au travail 

La santé au travail représente un enjeu financier très important pour les entreprises. Les maladies professionnelles impactent à la fois la productivité des employés et la compétitivité, sans oublier les coûts supplémentaires engendrés pouvant se mesurer en milliards d’euros. Un bilan alarmant confirmé par plusieurs études, mais peu pris en compte.

Les impacts de la santé sur l’entreprise 

Ces dernières décennies, la santé au travail connaît un certain regain d’intérêt. Après le scandale de l’amiante dans les années 90 et la mise en lumière du harcèlement moral et du suicide au travail dans les années 2000, une prise de conscience globale a poussé de nombreuses disciplines (épidémiologie, médecine du travail, psychologique, ergonomie, sociologie, économie…) à se pencher sur les liens entre santé et travail. 

Burn-out, fatigue chronique, troubles musculo-squelettiques… Nombreux sont les impacts des mauvaises conditions de vie au travail. Si les contraintes organisationnelles, le  stress et les psychopathologies sont désormais bien documentés, évaluer précisément l’ampleur des atteintes d’origine professionnelle et leurs impacts humains et économiques demeure difficile. Une synthèse élaborée en 2014 par l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au travail a tenté de compiler les résultats de plusieurs études, indiquant les moyens pouvant être mis en place pour contribuer à améliorer la santé au travail, en particulier dans les petites entreprises. Ces recherches ont permis de créer des outils d’évaluation interactive des risques comme OiRA. Élaboré par l’Assurance maladies en partenariat avec les organisations professionnelles des métiers concernés, ce dispositif permet d’éditer un rapport complet d’évaluation des risques et un plan d’action en prévention.

En 2007, en réponse à l’Enquête européenne sur les forces de travail, une enquête menée dans les 27 pays membres de l’Union Européenne indique que 28% des personnes interrogées, soit 55,6 millions de travailleurs, déclarent que leur bien-être mental a été affecté par l’exposition à des facteurs de risques psychosociaux (RPS). Ceux-ci peuvent se classer en plusieurs catégories : les risques de charge, comprenant la quantité de travail, la pression temporelle, la complexité du travail, ou encore les injonctions contradictoires. Le manque d’autonomie et de développement insuffisant de la créativité et des compétences, ainsi que de mauvais rapports sociaux au travail créent eux aussi des difficultés à collaborer entraînant une souffrance chez le travailleur. 

Au sein de certains emplois, les risques physiques s’accumulent :  exposition à des produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques, rythmes de travail effrénés, températures extrêmes, mauvaises postures prolongées… À l’ère du numérique, les comportements sédentaires sont également en forte hausse, et les problèmes de santé les suivent de près. Malgré les recommandations de l’OMS, la prévention et les actions peinent pourtant à se mettre en place dans la plupart des entreprises. 

La responsabilité de l’entreprise 

Entre 1984 et 2005, le nombre de travailleurs concernés par des postures pénibles est passé de 16,2% à 34,2% selon une enquête SUMER sur l’intensité du travail en France, menée par des médecins du travail. Dans le même laps de temps, le taux d’employés souffrant du rythme imposé et des délais s’est vu multiplier par 5 ; quant à l’incertitude au travail, elle a augmenté pour toutes les catégories de salariés. Parallèlement, on assiste dans de nombreux pays à une augmentation de la fréquence de certains types de cancers et de nouvelles pathologies que l’on sait désormais liés au travail comme les troubles musculo-squelettiques (TMS). Ceux-ci constituent en Europe et en Amérique du Nord les deux tiers des maladies professionnelles reconnues, tandis qu’ils ne formaient il y a 10 ans qu’une catégorie minoritaire. Nous faisons donc face à un important et croissant problème de santé publique mettant directement en cause les entreprises. Celles-ci disposent de marges de manœuvre pour réduire les risques identifiables, comme la mise en place de la prévention en entreprise, la mise en relation des employés avec un médecin du travail, une meilleure prise en charge de l’emploi du temps des salariés… Des mesures pouvant se révéler extrêmement bénéfiques financièrement parlant. 

QVT et performance : une relation fusionnelle 

Il est communément admis que la productivité d’une entreprise est intimement liée à la santé des salariés. Des employés heureux aux bonnes conditions de travail font des entreprises rentables. Ce regard économique peut aider à stimuler les entreprises, leur permettant de quantifier et d’objectiver le coût des maladies professionnelles et la souffrance psychologique au travail, en plus des dégâts humains. La qualité de vie au travail représente une opportunité stratégique très importante pour les entreprises : réduction des coûts liés à l’absentéisme, meilleure productivité et mise en place d’un climat de confiance. La QVT est évoquée en France dans les 70 en réponse à une forte demande sociale, et englobe la santé du travailleur, son état psychologique, son indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles ainsi que sa relation à son environnement. La QVT représente un enjeu stratégique : 68% des actifs déclarent connaître un ou plusieurs problèmes de santé chronique, les plus cités étant le stress et l’anxiété (30%) selon une enquête de l’INSEE publiée par la Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques. D’après cette même étude, un salarié sur deux estime que la cause de ce problème est liée au travail et impacte directement sa performance globale. 

Les retombées économiques d’un manque de considération vis-à-vis de la QVT sont importantes : selon le Baromètre 2013 d’Apicil et Mozart Consulting, une mauvaise organisation du travail coûte 13.500 euros par an et par salarié aux entreprises en France et entraîne une dégradation de la performance socio-économique des entreprises françaises de 27%. 

Sources

Enquête de l’INSEE, Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques. 

Baromètre IBET d’Apicil et Mozart Consulting, Le bien être au travail, 2013

Un regard économique sur la santé au travail, Philippe Askenazy – regards croisés sur l’économie 2009/1 p. 54-60. 

RH cloud, Qualité de vie au travail : un enjeu stratégique pour les entreprises