Résilience, sport et travail
En ces temps agités aux crises multiples, le concept de résilience est plus que jamais à l’honneur, dans la vie personnelle ou professionnelle, à l’échelle individuelle et collective.
Qu’est-ce que la résilience ?
A l’origine, c’est dans le domaine de la physique que le concept de résilience apparaît : il désigne la faculté d’un matériau à retrouver sa forme initiale après un choc. Au sens large on peut considérer la résilience en tant que capacité pour un système donné, à surmonter les altérations provoquées par un ou des éléments perturbateurs pour retrouver son état initial et/ou un fonctionnement normal. Depuis le milieu du XXème siècle, le terme s’est étendu aux sciences sociales, époque où les psychologues américaines Werner et Smith mènent une étude auprès d’enfants suivis de leur naissance jusqu’à l’âge adulte, afin d’identifier les facteurs permettant aux individus d’évoluer favorablement.
Aujourd’hui, la « résilience » est utilisée pour désigner notre aptitude à traverser les épreuves et les expériences difficiles, douloureuses ou stressantes de l’existence sans se laisser abattre. Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik qualifie le terme de « reprise d’un développement après une agonie psychique traumatique ». L’enjeu consiste donc à s’adapter et à tirer de ces expériences, physiques ou non, des opportunités d’apprentissage et d’évolution positive pour en sortir grandi. En dépit de l’adversité, l’individu doit donc entreprendre de développer ses capacités émotionnelles et cognitives pour se reconstruire et réadapter sa vie aux données auxquelles il a été confronté qui le constituent désormais partiellement. La résilience est un processus dynamique qui se développe dans le temps et s’entretient. On retrouve bien évidemment cette idée dans le sport, qui appelle au dépassement de soi face à l’adversité. Selon Philippe Bouhours, psychiatre spécialisé en thérapie comportementale et cognitive, trois facteurs majeurs sont d’ailleurs essentiels à cette discipline : détermination, solidité physique et contrôle émotionnel, associé à la maturation psychique.
Les bénéfices du sport sur la santé mentale et la détermination
Pratiquer une activité physique régulièrement allonge l’espérance de vie, diminue les risques de maladies cardiovasculaires et le développement des troubles métaboliques, et permet de lutter efficacement contre les problèmes de santé au travail.
Au-delà de ces effets bien connus, le sport peut permettre de construire une meilleure estime personnelle et de se reconnecter avec soi-même, notamment après un traumatisme, pour surmonter un handicap, un accident de vie physique ou un choc psychologique. Lorsque l’estime et l’amour-propre sont blessés, l’image que l’on se fait de nous même peut en être fortement impactée. Pour aller mieux, il faut retrouver de la force et du courage. Ces deux valeurs sont elles aussi communes au sport, tout comme l’apprentissage, la performance et l’envie de se dépasser, et peuvent souvent permettre de surmonter les épreuves personnelles.
Plusieurs études indiquent par exemple que l’activité physique améliore grandement la condition mentale des individus souffrants d’anxiété, de dépression et de stress professionnel. Grâce à la libération d’hormones et de neurotransmetteurs comme les endorphines, la dopamine ou la sérotonine, le sport favorise le bien-être et le lâcher-prise grâce aux sensations qu’il nous procure.
Dans le cadre des sportifs de haut niveau, on peut constater que les individus ont tendance à fortifier leurs capacités et leurs relations sociales pour résister au stress et au risque récurrent de blessures, des composantes majeures de leurs pratiques.
« Tout comme on ne naît pas champion mais qu’on peut le devenir par l’effort et la persistance, on ne naît pas résilient mais il est possible de le vivre si des circonstances particulières nous y conduisent, parfois même sans le savoir, déclenchant une absolue nécessité de se battre pour réapprendre à exister. » Sport et Résilience, Philippe Bouhours
À tous les âges de la vie, pratiquer ou même débuter une activité physique peut se montrer très bénéfique. Habituer les enfants à en faire dès leur plus jeune âge, quelle que soit l’activité, aura par exemple un impact positif sur leur santé et sur la gestion de leurs émotions. Les relations sociales, le rapport au travail et à l’exigence en tireront des expériences bénéfiques. En parallèle des études, le sport peut permettre de relâcher la pression, et dans le milieu des actifs de mieux affronter le stress quotidien et les responsabilités, tout ça en prenant soin de soi.
Qu’est ce que la résilience apporte au cadre professionnel ?
Il est bien connu que la vie en entreprise n’est pas de tout repos. Certaines situations délicates ou problèmes difficiles à surmonter peuvent empêcher le salarié d’aborder sereinement le quotidien au travail. Tenter de faire preuve de résilience peut aider à surmonter ces épreuves, une qualité précieuse tant à titre professionnel que personnel. Se montrer résilient, c’est accepter les évènements pouvant s’avérer déstabilisant. Il s’agit de ne pas être bloqué par ce qui nous affecte, et tenter de tirer de chaque expérience une solution positive sur le long terme. Cette attitude positive permet aussi d’analyser les échecs, les comprendre et en tirer des outils utiles à la vie professionnelle. Ce recul demande une lucidité particulière, ainsi que la conscience de ses défauts et de ses qualités. La résilience appelle à l’acceptation face aux évènements difficiles, une première étape qui permet souvent de trouver les moyens de rebondir. Se montrer résilient n’est pas inné, cela s’acquiert par l’effort et l’expérience.
La résilience appliquée à d’autres facettes de la vie
Comment, ayant subi un traumatisme, un être humain peut-il retrouver son équilibre et assurer son développement ? Les prises de conscience sont nécessaires pour s’adapter et apprendre à se remettre des changements, des revers et de l’adversité qui font partie de la vie. La résilience appelle à la capacité de puiser dans ses ressources pour aller de l’avant et surmonter les problèmes, de cultiver une joie de vivre et de mieux gérer notre stress. Dans le cadre des relations humaines, qu’il s’agisse de la famille des amis ou des relations amoureuses, être résilient peut permettre de rester confiant face aux épreuves et à notre capacité à dépasser les difficultés pour en ressortir meilleur. Une personne moins résiliente aura plus de difficulté à progresser, car elle ne se sentira pas forcément capable d’affronter l’échec et de rebondir, ce qui engendre une plus grande facilité à souffrir de maladies mentales comme la dépression et l’anxiété.
Comment être plus résilient ?
Chérir les rapports humains et se confier permet d’aider les uns et les autres dans les moments difficiles, mais aussi d’accepter que l’on a besoin d’aide et de soutien. Consulter un professionnel de santé lorsque l’on ressent des symptômes de dépression, d’anxiété ou d’épuisement peut également aider à dépasser ces moments difficiles grâce à un diagnostic et des actions adaptées. Maintenir un bon équilibre entre la vie professionnelle et personnelle et des activités qui rendent heureux peut permettre de développer l’optimisme. Ne pas baisser les bras est parfois aussi lié au fait de percevoir les situations comme temporaires. Travailler sur son estime de soi, ses compétences sociales, son humour, et sa capacité à donner un sens aux événements, mais aussi sa volonté peut servir à bâtir un réseau de soutien social plus fort et un meilleur rapport à la difficulté !
Sources :
Dossier « Guérir par le sport » . Cerveau&Psycho, N°86 Mars 2017, pp 46-59.
Sport et résilience de Boris Cyrulnik et Philippe Bouhours
Résilience : définition et application aux domaines de la RSE et du Développement durable, par You Matter
Résilience par le sport : un chemin inédit pour les personnes en situation de handicap mental, par Roy Compte dans Empan 2015/3 (n° 99), pages 124 à 131
Le sport, moteur de résilience, chronique de Sandrine Cabut parue dans Le Monde, novembre 2019
Sport et résilience » ou comment rebondir après un traumatisme, janv. 2020, par Christine Gobert, RTBF.BE
La résilience, pour avancer et performer en toute circonstance, The HR Group Publication,
En Quête de Sens
Philippe Bouhours, psychiatre, spécialisé en thérapie comportementale et cognitive, co-auteur de « Sport et résilience » (Odile Jacob), Caroline François, historienne, spécialiste de la question du sport
Qu’est-ce que la résilience ? par Mathilde Palfroy, Cadremploi
https://www.bloomr-impulse.com/blog/resilience-professionnelle
La résilience au travail et à la maison, Par M. Cole Cohen, Ph.D, Shepellfgi
Mutation, Philippe Bouhours, psychiatre, spécialisé en thérapie comportementale et cognitive. ©Amélie Laurin